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Casanova

Je suis CASANOVA, Giovanni, Giacomo Casanova

Vénitien des Lumières, ce siècle bien nommé.

Au déclin de mes jours, je vais coucher mes mots,

Dans ce château de Dux, je m'attèle à narrer

L'"Histoire de ma vie" découpée en tableaux.

 

Venise m'a vu naître, éblouissant berceau :

Illustre sérénissime, prolifique creuset

D'esprits, d'arts, de musique, élitisme du beau,

Place sacrée des grands peintres : Titien, Le Tintoret,

Véronèse ou encore Andréa Palladio,

Ce génial architecte, et Carlo Goldoni,

Dramaturge condisciple du brillant Antonio,

Fleuron de la musique, talentueux Vivaldi.

J'ai choisi, pour ma vie, l'addiction aux plaisirs,

Une règle, comme une bannière, l'entière liberté,

Que j'ai porté, très haut, tout entier au désir,

Au vent qui me poussait, de me laisser aller.

 

Pour suivre fidèlement ce chemin d'aventures,

J'avais quelques atouts, garants de mon succès :

Une apparence flatteuse, une séduisante allure ;

Portais perruques poudrées, des tenues raffinées,

Et un art de charmer, par mon verbe enjôlant.

Libertin, je le fus, mais avec élégance,

Les femmes ont savouré mes qualités d'amant.

J'ai puisé mon plaisir, mon extrême jouissance,

Dans l'extase vécue, par elles, dans mes étreintes ;

J'aimai, dans leurs toilettes, leurs bijoux, leur parfum,

Poser ma signature, appliquer mon empreinte.

Saisir adroitement les moments opportuns,

Me prêter, sans pudeur, au jeu des apparences,

Simuler des fonctions, briller en société :

A ces tartufferies, j'ai eu grande appétence,

J'ai embrassé la vie, aimé la volupté. 

Sur la scène du destin, J'ai joué tous les rôles :

Abbé, aventurier, violoniste, truand,

Charlatan, franc-maçon, résident d'une geôle

Le jeu fut une passion, preuve de mon talent.

Mes frasques, escroqueries, ont provoqué ma fuite.

Banni, certaines villes, m'ont offert protection :

Rome et Constantinople, Milan, Vérone, ensuite

Paris et d'autres qui fourniront l'occasion

De nouvelles conquêtes, des soutiens de renom :

Cardinal de Bernis et Louis XV, ce roi,

A l'éthique corrompue. Souffrir mort et passion

M'a été infligé : mon coeur, gonflé d'émoi,

A chancelé d'amour, pour de belles conquêtes :

Zanetta Baletti et sa fille Manon,

Intrigues révélées ou liaisons secrètes,

Henriette, que j'ai aimé, jusqu'à la déraison.

 

Le château de Dux

du Comte de Waldstein

dernière demeure de Casanova

 

Le travail fut, pour moi, inconcevable option

Mes moyens d'existence, je les ai assurés

En dupant, mystifiant, ainsi, la suggestion

D'une loterie royale, en France, pour renflouer

Les caisses du royaume ; j'ai conduit des missions :

Espion du Roi Louis XV, et repris, de nouveau,

Les routes de l'Europe, mes malversations

Me condamnant à fuir. Ici, dans le château

Du Comte de Waldstein, mon ultime protecteur,

Oublié, délaissé, je suis seul et ma plume

Brosse l'Histoire de ma vie et fait battre mon coeur,

Avant que mon esprit ne s'égare dans les brumes.

                                    

                                            Mireille Masson

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